Quelques Contes by Contes et Légendes

Quelques Contes by Contes et Légendes

Auteur:Contes et Légendes [Légendes, Contes et]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Garnier Frères
Publié: 1910-10-21T23:00:00+00:00


IV

MENUET

Dix, vingt, trente jours passèrent après cette soirée, puis encore vingt, puis encore trente. La chronologie n’est pas précise, mieux vaut rester dans le vague. La situation est la même. C’est la même insuffisance individuelle des deux hommes, le même complément idéal, de sa part, à elle, complément d’où sortait un troisième personnage, qu’elle ne connaissait pas.

Maciel et Miranda se jalousaient, se détestaient de plus en plus, et souffraient beaucoup, Miranda surtout, qui se raccrochait à une dernière passion. Ils finirent enfin par se lasser de la jeune fille. Elle les vit s’éloigner peu à peu. L’espérance les rendit relaps, mais tout a une fin, même l’espérance, et ils partirent pour ne plus revenir. Les soirées passèrent, passèrent... Maria Regina comprit que tout était fini.

La nuit où elle en arriva à cette conviction fut une des plus belles de l'année, nuit claire, fraîche, lumineuse. Il n’y avait pas de lune, mais notre amie haïssait la lune, il est difficile de savoir pourquoi : peut-être parce qu’elle a une clarté d’emprunt, peut-être parce que tout le monde l'admire, peut-être bien pour l'un et l'autre motif. C’était une de ses bizarreries ; en voici une autre.

Elle avait lu, le matin même, dans un entrefilet de journal, qu’il y a des étoiles doubles, qui nous donnent l'illusion d’être un seul astre. Au lieu d’aller dormir, elle s’accouda à la fenêtre de sa chambre, à regarder au ciel, pour voir si elle y découvrirait quelqu’une de ces étoiles. Vain effort. Ne la trouvant pas au firmament, elle la chercha en elle-même. Elle ferma les yeux pour s’imaginer le phénomène : astronomie facile et à bon marché, mais non exempte de péril. Elle a l’inconvénient de mettre les astres à la portée de la main. De telle sorte que si la personne ouvre les yeux, et les voit continuer à briller là-haut, grande est sa tristesse, et certaine l’imprécation. Ce fut le cas pour Maria Regina, qui vit au dedans d’elle-même l’étoile double et unique. Séparées, elles avaient quelque valeur ; réunies, elles formaient un astre splendide. Quand elle ouvrit les yeux et qu’elle mesura la hauteur du firmament, elle conclut que la création était un livre plein de lacunes et d’incorrections, et désespéra.

Sur le mur du jardin, elle vit alors quelque chose qui ressemblait à deux yeux de chat. D’abord elle eut peur, mais elle s’avisa bientôt que c’était la reproduction externe des deux astres qu’elle avait aperçus en elle, et dont l’image était demeurée imprimée sur sa rétine. La rétine de cette jeune fille projetait au dehors toutes les visions de sa fantaisie. Le vent fraîchit, elle rentra, ferma la fenêtre et se coucha.

Elle ne dormit pas tout de suite, à cause des deux ronds d’opale qu’elle voyait incrustés dans la muraille. Convaincue de son illusion, elle ferma les yeux et dormit. Elle rêva qu’elle était morte, et que son âme, emportée dans l’espace, volait dans la direction d’une étoile double. L’astre se dédoubla, elle vola vers l’un des corps composants ; n’éprouvant



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